Les émoticônes, une nouvelle forme de langage écrit ?

L'utilisation des pictogrammes, c'est à dire des symboles représentant des objets, des idées, n'est pas une invention moderne. Lors de la naissance de l'écriture en Mésopotamie, on les retrouve dans l'écriture sous forme de hiéroglyphiques et dans l'écriture cunéiforme. L'écriture est non alphabétique et se rapproche de l'image pour représenter l'objet.

Dans les années 1970, les pictogrammes sont également employés dans la documentation technique pour surmonter les barrières linguistiques et fournir des symboles internationaux, facilement identifiables et reconnaissances quelque soit la culture.

Les modes de communication sur internet sur forme de tchat ont révolutionné le langage écrit, utilisé en temps réel, en reproduisant le mode du langage oral. Le langage écrit s'oralise, et l'utilisation d'interjections (ah, oh, euh) et de pictogrammes viennent reproduire les conditions de la communication orale. L'absence de l'autre se fait présence virtuelle, la communication immédiate et non verbale est réincorporée dans les messages écrits.

Les émoticônes sont des mimiques faciales dont la principale fonction est d'indiquer une émotion. Elles imitent des gestes servant à illustrer ce que l'on veut dire. Elles miment des émotions pour faire passer une intonation, une intention dans le discours. Elles fournissent aussi au récepteur du message des indications sur la manière dont il doit interpréter le contenu. Par exemple, un smiley à la fin d'un énoncé permet de montrer que l'interlocuteur est content, un clin d'oeil peut indiquer qu'il s'agit d'une note d'humour ou d'une plaisanterie.

Ainsi, la communication non verbale, introduite par les émoticônes dans le langage écrit peut renforcer l'énoncé ou le contredire.

Mais les émoticônes sont des indices des émotions, mais elles ne sont pas les émotions elles-mêmes. Elles peuvent procéder de l'imitation de ce qui est ressenti, mais aussi de leur mise en scène. Le locuteur garde une forme de contrôle sur la production des émoticônes. Ce qui n'est pas forcèment le cas des émotions, relevant de réactions neurovégétatives, et donnant des indices corporels tels que le rougissement, la sudation, le tremblement. On ne peut donc les confondre avec les émotions. Et tout comme les images, elles sont soumises à l'ambiguité, donc à l'interprétation. La mise en sens des émoticônes peut donner des lieu à des mal-entendus !

Les émoticônes sont principalement utilisées dans les messages personnels et sont quasi inexistantes dans les messages professionnels ou officiels.

Ces pictogrammes modernes enrichissent-ils ou appauvrissent-ils le langage écrit ? Les linguistes, tels que Neil-Cohn [1], ou P. Halté [2] sont d'accords pour dire que les émoticônes ont une fonction d'accompagnement du langage, pour montrer indiquer une émotion et colorer un discours. Elles seraient des équivalents des gestes accomplis lors des communications orales. Elles ne peuvent remplacer la complexité du langage écrit, qui requiert une opération de symbolisation où il existe un arbitraire entre le signe et l'objet du monde. Les émoticônes performent une attitude subjvective, mais ne produisent pas des représentations de mots.

Selon Neil-Cohn, les émoticônes n'utilisent pas de code grammatical, mais en étant juxtaposées, elles forment une séquence temporelle qui peut organiser une "phrase" courte, simple. Elles enrichissent le texte en introduisant une image, une note d'humour, d'affection ou d'ironie, et participent de ces nouvelles communications, où sont également introduits des photos, des liens hypertextes.



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  1. http://www.bbc.com/future/story/20151012-will-emoji-become-a-new-language
  2. http://crem.univ-lorraine.fr/pierre-halte-sur-les-emoticones

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