Le rêve, de l'antiquité à Freud (1/2)


Sous les ailes d’hypnos

La nuit venue, Hypnos le dieu grec du sommeil nous prodigue ses bienfaits. Sous ses ailes, il veille à notre endormissement et nous transporte dans le monde des songes. Représenté sous la forme d’un oiseau, d’un jeune homme ou d’un vieillard ailés, il vit en lieu sûr, dans une grotte traversée par la rivière de l’oubli (Lethé).

Ses enfants, appelés Oneiro (rêve en grec) influencent nos rêves. Morphée (forme) porte d’une main un miroir, de l’autre des fleurs de pavot (d’où son dérivée la morphine) susceptibles de nous endormir. Dans nos rêves, il prend l’apparence de toute forme humaine, et peut se transformer en n’importe quel mortel. Il avertit les rois des événements à venir dans des rêves prophétiques. Dans notre sommeil peuvent apparaître ses frères. Phobétor (phobie, peur en grec) l’Effrayant qui prend des formes animales et qui est créateur de cauchemars. Et Phantasus qui peut se présenter à nous sous forme d’objets inanimés.

Hypnos a un frère jumeau appelé Thanatos qui signifie mort en grec. Cette parenté entre le sommeil et la mort nous rappelle nos difficultés d’endormissement, quand nous craignons de nous laisser aller dans les bras de Morphée avec l’angoisse inconsciente de ne plus nous réveiller le lendemain. Cette proximité entre le sommeil et la mort nous évoque aussi notre vulnérabilité lorsque nos défenses face aux dangers se relâchent nuitamment.

Dans l’antiquité grecque, les dieux prenaient forme humaine dans les rêves, et envoyaient aux mortels des messages qu’ils leur fallait décrypter, analyser.

Même les dieux, précédant l’arrivée de la vie, comme la mère Nux (la nuit) et le père Erebe (le chaos avant la vie) d’Hypnos et de Thanatos continuaient à transmettre leurs messages, alors que la vie avait émergée et que les mortels étaient apparus sur terre. Ce qui peut déconcerter notre logique de mortels et notre conception du temps. Comment des divinités peuvent elles encore nous influencer alors même qu’elles auraient dû disparaître dans la nuit des temps, avec l’apparition de la vie, de la lumière?

Des ténèbres incestueuses entre Nux et Thanatos naquit Eros (l’amour, le désir). Du néant surgit le dieu Éros, puissance créatrice d’être et de mouvement de vie.


Des ténèbres peut naître le désir

Eros c’est la force désirante qui met le monde en mouvement afin d’éviter qu’il ne se fige, ce qu’il le condamnerait à mort. Sigmund Freud, père de la psychanalyse, a fait d’Eros la pulsion de vie, qui nous donne l’élan vital, et fournit l’énergie à notre vie psychique. «Tout le bruit de la vie provient de l’Eros» écrit il.

Le désir est formateur du rêve. Il est la source de l’activité mentale propre au rêve, incitée et mobilisée pour rechercher et trouver des satisfactions, au sein de notre mémoire. Selon Freud, le rêve est l’accomplissement d’un désir. Ce désir souvent déformé, travesti pour échapper à la censure, est figuré de façon étrange, énigmatique dans nos rêves.

Et c’est à nous, accompagné de l’analyste de déchiffrer et d’analyser notre rêve.

Pour Freud, le rêve n’a pas de dimension prophétique, n’est pas d’essence divine. Il fait du rêve une activité psychique à part entière, au même titre que les pensées, les fantasmes, les rêveries diurnes.

Le rêve procède de cette intelligence et puissance créative, issues des pulsions de vie. Il est composite, assemblé et formé à partir d’images essentiellement, mais aussi de paroles et de sons. Il puise son matériau dans diverses sources, notre histoire intime, dans la grande histoire et celle de l’humanité.

Il nous permet de retrouver des proches vivants ou décédés, aimés ou hais. Georges, patient d’une cinquantaine d’années dit : «toutes les nuits, je retrouve ma fille en rêve, même si je ne la vois, je sais qu’elle est présente à un endroit du rêve». Quant à sa bien aimée et compagne qu’il l’a quitté, il déclare: «elle occupait mes jours et mes nuits. Elle était présente tout le temps en rêve. Je ne la vois plus maintenant en rêve. Cela veut dire que la séparation a été actée». Maryvonne : «ma mère est morte, mais je la vois dans mes rêves. Je voudrais lui demander qu’est ce qu’elle fait là puisqu’elle est morte».

Ainsi le désir est l’instigateur du rêve. Il apparaît sous un fond d’absence ou de présence.



Psychologue Grenoble

49, Quai Jongkind, 38000 GRENOBLE

06.62.10.66.06
04.76.54.07.12